Chère Elisa… Maintenant l’histoire, celle qui l’écrit, c’est moi.

In Humeurs
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Chère Elisa, 

La première fois que je l’ai vu, le monde s’est arrêté de tourner. Je n’entendais plus le bruit de la mer au bord de laquelle on s’est rencontrés, ni les mouettes qui chantaient au dessus de nos têtes.
La première fois que je l’ai vu, j’ai su que c’est son visage que je voulais voir à l’autre bout de l’allée de l’église le jour de mon mariage, que c’était ses bras dont j’allais avoir besoin toute ma vie, que je voulais voir notre fils rire à ses blagues et nous construire une maison au bord de la plage.

J’avais 16 ans, il en avait 18.
Il a prononcé mon prénom et j’ai ressentis pour la première fois de ma vie un sentiment de sécurité. Je me nourrissais de ses regards, de ses caresses. Son prénom avait un goût sucré dans ma bouche. Je me souviens qu’il m’a sourit et que j’en ai oublié qui j’étais.

La première fois que nous avons fait l’amour dans la chaleur d’un après-midi de printemps, j’ai pensé à la théorie des âmes soeurs de Platon. C’était certain, il était la deuxième partie de moi. La pièce manquante du puzzle. Rien de plus beau ne pouvait arriver, je n’osais parler de mon bonheur à voix haute de peur que la vie m’entende et me retire tout. 

J’ai respiré à son rythme pendant trois ans. Je n’avais besoin que de lui. Tout me paraissait dérisoire si je ne le vivais pas à ses côtés. Nous nous pressions mutuellement de rentrer à la maison le soir pour se retrouver. Sa vie était la mienne, ma famille était la sienne. Quoi de plus pur que ce que nous partagions. 
Sa jalousie était maladive, mais il avait raison : je lui appartenais, n’est-ce pas ? C’est ça le véritable amour, n’est-ce pas ?
Je ne voyais plus mes amies. Les moeurs légères c’est inacceptable n’est-ce pas ?
Ma prise de poids était insupportable. Une taille 40 c’est pitoyable, n’est-ce pas ?
Jusqu’à ce qu’il décide que je n’étais plus assez. Plus assez attirante, plus assez indépendante, plus assez intéressante. Il rêvait d’ailleurs, de paysages où je ne serais pas. 
Pendant une année entière à chaque fois qu’il claquait des doigts, je pensais retomber dans ses bras, il m’attirait dans ses draps.
Un jour j’étais le problème, l’autre c’était lui.
Un soir il s’en voulait de me faire la peine, l’autre c’était trop pour lui.
« Je reviendrais où que tu sois, attends moi un peu. Ne fais pas d’enfant avec un autre, attends que je rentre à la maison. Ne sois pas triste pour si peu, tout ce qui arrive a une raison. » 
Alors j’ai attendu ma chère Elisa. J’ai attendu tous les jours. Toutes les nuits. J’ai attendu pendant trois longues années. J’ai déménagé à l’autre bout du pays, j’ai tout changé. Mon numéro, mon adresse, mes études. J’ai quitté le pays de mon enfance car le théâtre de notre histoire était devenu mon enfer personnel. J’ai pleuré des nuits entières sa perte. En espérant son retour. Comment une telle dépendance avait eu la place de naître dans le coeur d’une jeune fille de 16 ans sans jamais qu’elle ne faiblisse jusqu’à ses 23 ans ?
« C’est un amour de jeunesse, ça te passera. »
Ca n’est pas passé, ça n’est jamais passé.
Respirer était devenue une souffrance, aimer chose impossible. 
J’ai refusé d’aimer, de me montrer, de briller. J’ai tout fait en silence, j’ai tout fait en conséquence.  J’ai sincèrement pensé qu’il reviendrait. Il l’avait promis, pas vrai ?

Les gens qui sont faits pour être ensemble se retrouvent toujours, pas vrai ?

Vous vouliez une fin heureuse ? 
Je vais vous la donner.

J’ai découvert hier, par hasard, que l’année où je mourrais pour lui, il était avec une autre. 
L’année pendant laquelle j’ai pleuré et supplié son retour, il cultivait déjà un autre amour. 

Le cliché veut que je la connaissais. Une amie de lycée. 

C’est alors que j’ai réalisé qu’il n’y avait rien de plus à dire.
Que c’était le faux pas que j’attendais, celui qui cesserait de me faire culpabiliser.
Le faux pas qui m’empêcherait de continuer à me torturer « et si j’avais fait, et si j’avais su, et si j’avais pu… »

Ma fin heureuse, c’est moi.
Ma fin heureuse, c’est mon début.
Ma fin heureuse, c’est les choix que je n’aurais jamais eu le courage de faire s’il avait été là.
Ma fin heureuse, c’est tout ce que j’ai construis dans le but d’un jour le reconquérir qui s’inscrit finalement dans la durée sans lui.
Lorsque j’ai perdu cette partie de lui, j’ai découvert une nouvelle partie de moi.
Ma chère Elisa la morale de cette histoire c’est que je n’attends plus. 
Maintenant l’histoire, celle qui l’écrit, c’est moi.  
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31 Comments

  1. Oh que c’est beau ! Oui, on chemine dans la vie en croyant savoir où nous sommes – et finalement, nos pas nous entraînent sur un chemin dont nous n’aurions même pas douté de l’existence.

    Jour après jour, on sème de petits cailloux pour se délester de ce qui nous pèse, permettre à ceux qui nous aiment de cheminer à nos côtés, et voyager dans l’existence chaque jour un peu plus léger. La vie est si belle quand on est libre d’écrire sa propre histoire !

  2. Mais que c’est magnifiquement écrit. Bravo pour ta jolie plume. Tu as tellement raison , l’amour est beau quand il donne des ailes, quand il est tendre et plein de projet, mais l’amour peut aussi être toxique!

  3. J’en connais une qui va se reconnaître …… Je suis tellement fière d’elle qui écrit son histoire toute seule entourée d’amour et de liberté maintenant et j’espère pour toute la vie.

  4. Je ne commente jamais mais là… c’est mon histoire ou presque ! J’ai mis presque 6 ans à redevenir « moi », à pouvoir vivre une journée sans penser à lui, sans être obsédé par lui, sa peau, son odeur, sa voix… La route a été longue mais j’y suis parvenue. Je suis toujours la même et en même tellement différente. Plus forte, je crois. Et avec l’envie féroce de dévorer la vie ! Merci infiniment pour ton si beau texte.

  5. Ah les pervers manipulateurs… Ma soeur était avec l’un d’eux et je sais le courage qu’il t’a fallu pour passer à autre chose.
    Ce sentiment de liberté, plus personne ne pourra te l’enlever désormais, c’est ta chance… Mais à quel prix.
    Bravo en tous cas et bonne route!

  6. Très bien écrit!
    Bravo à toi, et belle nouvelle vie.
    HAUT LES COEURS, HAUT LES TÉTONS !

  7. C’est une très jolie plume pour ce chère Elisa!
    Ne pas savoir cultive l’envie de continuer, je te souhaite beaucoup de bonheur avec toi même maintenant que l’attente est terminée. J’ai commencé à avoir une relation heureuse quand j’ai compris que je ne pouvais aimer personne si je n’apprenais pas à m’aimer moi d’abord.
    Tu verras, tu seras si belle et forte que tu ne regretteras rien de cette douloureuse période.

  8. Merci pour ces jolis mots, je te souhaite d’être heureuse, chère demoiselle <3

  9. Une histoire d’amour qui commence fabuleusement, puis se détériore pour finalement tourner au vinaigre, ça fait partie des expériences de la vie, que nous traverserons tous a priori. Sur le coup c’est affreusement douloureux, on a l’impression de se faire arracher un bout de nous. Mais une fois la tempête passée (parce qu’elle finit toujours par passer finalement), on en sort grandi aussi. On se découvre une force et une capacité à rebondir qu’on n’aurait jamais soupçonnées. Et c’est à ce moment là que nos ailes repoussent, en plus belles et plus grandes. Puis on repart écrire une nouvelle page amoureuse encore plus belle. C’est ce que je te souhaite ! Et si je peux me permettre un conseil, surtout jouis sans limite de cette nouvelle liberté, cultive-là toujours. Et fuis à présent toute personne qui tenterait de t’en priver.
    Prends bien soin de toi et bel été 😉 !

  10. Quel bel écrit, bravo pour ce bel instinct de survie et plein de jolies choses pour la suite!

  11. beau texte…et bonne décision que de partir à la rencontre de soi; bravo ! et j’adore la photo qui l’illustre, tellement bien choisie 🙂

  12. Très joli texte. Tu es une belle personne et je suis contente de savoir que tu as pu te trouver et ne pas rester dépendante d’un amour devenu impossible.

  13. Juste BRAVO, c’est difficile de passer à autre chose, j’ai vécu une histoire similaire.
    J’ai rencontré un garçon pour lequel j’ai fondu dès le premier jour, on avait 16 ans tous les deux. Nous avons passé notre bac, fait nos études supérieures toujours en formant un couple fusionnel, on ne voulait rien faire l’un sans l’autre.

    Puis un jour il a du continuer ses études dans une autre région, j’avais terminé les miennes et j’ai décidé de le suivre, d’autant que ça m’éloignait d’un contexte familial très compliqué. La première année s’est très bien passée, nous profitions de bons moments. Puis au fur et à mesure de notre nouvelle vie de jeunes prenant leur indépendance, lui se faisait des copains avec son école qui passaient leur temps à la maison (tellement pratique l’appartement de 40m² du couple contre les chambres étudiantes des copains…), les moments à deux se faisaient de plus en plus rare, la colocation au lieu de la vie de couple s’est installée progressivement. Moi je travaillais pour faire payer le loyer et tout le reste, je ne gagnais pas assez pour retourner voir mes proches alors que lui partait à chaque vacances retrouver sa famille, me laissant seule pendant plusieurs semaines. Les petites remarques désobligeantes aussi ont commencé, sur le poids que j’avais commencé à prendre (prise d’indépendance + pilule, le cocktail gagnant!) même si rien d’affolant non plus, comme toi je ne faisais « qu’un 40 » (et au final on s’en fiche de la taille…).

    Lorsqu’il est entré dans la vie active ce fut le début de la fin. Exit les jolis moments à deux, les moments intimes romantiques, bonjour le « je rentre tard du travail qui m’a agacé et je me plante devant l’ordinateur pour décompresser », me laissant seule le soir, bien sûr à assumer les diverses tâches ménagères et à manger seule, tout en devant rester désirable et disponible (et bien sûr malgré MA journée de travail à moi aussi).

    Quand j’essayais de m’imaginer 10 ans plus tard je n’arrivais pas à me voir mariée ni avec des enfants avec lui, mais ça faisait 7 ans qu’on était ensemble, on avait eu de magnifiques moments, il a été là quand ma famille a explosé, je ne me voyais pas sans lui. Mais la vie que l’on avait n’était plus vraiment une vie de couple, et lorsqu’il est parti en stage 4 mois à l’étranger, il m’a quittée par un message sur Skype 2 semaines après que je sois passée le voir alors qu’on avait passé (selon moi) 15 jours fabuleux. Je ne correspondais plus à son idéal physique (mon dieu taille 42… >_<).

    J'ai bien sûr été triste, car je l'aimais énormément, mais surtout en colère. En colère qu'il m'ait quittée de cette façon après 7 ans passés ensemble, et en colère de ne pas avoir pris le large plus tôt! Cette façon de mettre fin à notre relation, et de savoir ensuite qu'il en a profité pour sauter sur tout ce qui bougeait m'a ouvert les yeux sur le fait qu'il a toujours eu beaucoup plus d'importance à mes yeux que j'en avais pour lui, ça m'a libérée et je me suis autorisée à vivre juste pour moi, et qu'est-ce que ça peut faire du bien!

    C'est malheureux de voir à quel point on est capables de se culpabiliser pour des remarques qui n'ont pas lieu d'être (et qu'on ne ferait pas à l'autre), de s'oublier en tant que personne pour vivre au travers d'une autre qui finalement ne nous le rend pas. Mais lorsqu'on est avec une personne depuis longtemps, ou que l'on y est très attachée c'est difficile de s'imaginer sans elle, ça fait peur de reprendre une vie seule, tant sur le plan sentimental que logistique.

    Quelques mois plus tard je me suis mise en couple avec un garçon. Le cliché encore, c'était l'un de ses amis de promo qui faisait partie de son groupe d'amis qui passait souvent à la maison. On s'est revus sans arrière-pensées à son retour de stage, on a discuté de ma rupture d'avec mon ex et il avait remarqué" que je ne semblait pas très heureuse à l'époque, que le garçon en question ne me traitait pas toujours bien. Aujourd'hui (3 ans et demi plus tard) nous sommes mariés et j'ai donné naissance il y a deux mois à notre magnifique petit garçon.

    Avec mon mari j'ai appris que la relation de couple est une relation basée sur le respect mutuel, que s'il faut plaire à son conjoint le physique est loin d'être la seule façon d'y parvenir, et même si ce n'est toujours pas simple pour moi il m'a appris qu'il faut d'abord vivre pour soi, être à l'aise et en paix avec soi-même avant de pouvoir être bien dans son couple.
    Il m'a dit un jour: "Un couple, c'est TOI, MOI et NOUS"

    Je te souhaite de trouver ta vraie moitié, celle qui te permettra d'être pleinement toi et qui t'aimeras pour ça, tu as déjà fait un grand chemin dans ce sens! 🙂

  14. Magnifique témoignage ! Il y a des femmes qui ne surmontent pas ces blessures alors je trouve ça très beau et plein d’espoir que de lire ces lignes.

  15. Tu écris bien jeune fille ! Mais ca ne m’étonne pas : quand on parle d’amour fou, de jeunesse, de déchirement, on arrive forcément à la littérature. Je n’ai jamais autant lu et écrit qu’entre mes 16 et mes 25 ans, ces années d’amours fulgurants et de désespoirs intenses. 15 ans plus tard, je regarde ton témoignage avec tendresse. Oui, les chagrins d’amours de jeunesse passent. Mais je ne connais pas pires douleurs à ce jour (hormis morts ou maladies). Je me rappelle à quelle point j’ai pu souffrir de ruptures, et longtemps…
    Bravo, ça a été long mais tu t’es relevée 🙂

  16. Quel beau texte ! j’aime votre plume, je vous souhaite une belle nouvelle vie

  17. Qu’est-ce qu’il est beau ce texte, dans le fond et dans la forme. Bravo !
    Bises,
    Sylvaine

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