Chère Elisa…il me prend à rêver que je fuis de ce monde

In Humeurs
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Je m’appelle Sara, je suis fan de votre blog, j’aime l’atmosphère qui s’en dégage, c’est une bouffée d’oxygène dans ma vie trépidante où tout est à gérer à 100 à l’heure. Je lis votre rubrique Humeurs et j’ai eu envie de vous écrire.

J’ai 37 ans, je suis graphiste, j’ai 3 enfants, Gaspard, 9 ans, Mahaut et Salomé, 5 ans. L’arrivée de mon fils a bouleversé ma vie dès l’instant où il a vu le jour, je l’ai aimé si fort, je me sentais emplie de joie, d’amour, de confiance en la vie. Une semaine après sa naissance, je suis tombée dans l’escalier avec lui après son biberon en pleine nuit. Je me suis fracturé le bras, ce fût très violent, je suis allée à l’hôpital seule, mon mari gardait Gaspard, je voulais que mon fils reste à l’abri des microbes, mon petit était tout petit, je le sentais fragile… J’avais le bras explosé, je me suis fait agresser par une jeune femme pendant que j’attendais de me faire examiner, je sentais toute la dureté du monde qui me revenait au visage. Je devais être opérée mais j’ai refusé, j’ai été plâtrée un mois et j’ai souffert, beaucoup souffert. J’ai vu cet accident comme une malédiction comme la volonté suprême de me faire redescendre de mon nuage.

Les mois ont passé et mon fils n’évoluait pas dans ses acquisitions, on m’alerte. Au début, je ne veux rien entendre mais je ne vis plus, je ne dors plus, je suis licenciée et mon fils handicapé.

Les séquelles cérébrales sont bien présentes et nous ne pouvons en prévoir les conséquences. La rééducation commence, le monde du handicap s’ouvre à nous. Nous subissons cette nouvelle vie, ce malheur, cette angoisse, nous avons du mal à nous aimer tous les 3, nous ne savons plus nous parler. Notre fils ne marche pas, ne parle pas, il sourit beaucoup, il rit beaucoup, il ne dort pas. Il développe des traits autistiques, se fait du mal. Nous décidons d’avoir un autre enfant, nous attendons des jumelles et là j’y ai vu de nouveau un signe. Elles sont deux et c’est une incroyable force, une incroyable chance. La grossesse a été très difficile, Gaspard ne marche toujours pas, je suis très suivie et finalement rassurée qu’en toute fin de grossesse, mes filles n’ont pas de lésions cérébrales, elles vont bien.

Aujourd’hui, Gaspard marche, mes filles sont formidables et mon mari toujours là. Cette année, nous fêtons nos dix ans de mariage, nos vingt ans d’amour, je vais courir les 20 km de Paris avec mon fils en joëlette pour récolter des fonds pour les associations qui nous aident dans notre quotidien. Le bilan est positif, tout ça c’est beaucoup d’amour mais aussi beaucoup de sacrifices.

Je suis en combat permanent pour mon fils déscolarisé, au domicile la plupart du temps. Je me bats pour obtenir une légitimité professionnelle, je me bats pour garder du temps pour chacun malgré le fait que mon fils soit totalement dépendant. J’ai espoir en notre nouveau gouvernement mais aujourd’hui… encore… il me prend à rêver que je fuis de ce monde, mes loulous sous le bras, loin de ces cases dans lesquelles nous ne rentrons pas, loin des jugements, loin des méchancetés du quotidien, loin des administrations, des papiers, des dossiers médicaux, des éducateurs, des médecins, des examens, des nuits sans sommeil, des régimes sans gluten, des diarrhées, des troubles du comportement.

A bientôt et merci encore pour vos belles publications

15 Comments

  1. Bonjour Sara. J’espère aussi que ce gouvernement prendra enfin au sérieux le handicap, que les AVS seront nombreuses et que tous les enfants pourront donc bénéficier d’une scolarité adaptée. J’imagine comme ce combat de tous les jours doit être prenant, épuisant, rageant parfois. Je vous trouve très courageuse, mais en même temps vous n’avez pas vraiment le choix. Je suis de tout cœur avec vous et vous souhaite une bonne journée.

  2. je suis tombée dans mon escalier … avec elle ! Elle c’est ma gaby, ma gabrielle, ma petite dernière aujourd’hui grande de ses 16 ans . Elle avait quelques mois. Elle est dysphasique et surdouée, même si cela accolée fait bizarre. Je ne sais si l’un à entrainer l’autre et cela n’a aucune importance pour moi.
    j’étais déjà tombée dans un autre escalier … enceinte de ma floflo. On savait qu’il lui manquait déjà un rein et à la naissance elle avait une malformation de la boite crânienne. Nous avons passé les 15 premiers jours de sa vie en neurochir. Aujourd’hui, elle est en stage infirmière en CHU… en neo nat!
    Jamais je n’ai cru que le ciel s’acharnait, jamais je ne me suis attardée sur une culpabilité.
    il y a 5 ans, je suis devenue AVS par choix pour apporter mes talents à des jeunes. J’ai travaillé en lycée avec des jeunes dys, en fauteuil et autiste.
    je sais qu’il faut se battre, y croire, que la vie est différente….alors je suis heureuse de lire ta fin de lettre et d’y voir un peu d’espoir dans tes 10 ans, 20 ans et 20 kms. Il y a du beau dans ta vie et je te souhaite de le voir ou de trouver ceux qui le verront et te le témoigneront

  3. Oh merci Sara pour ton témoignage qui déborde d’amour. Notre société construit tant de barrières pour ne pas voir les différences.

    Et pourtant, des enfants comme Gaspard sont aussi notre richesse, à condition de leur permettre d’avoir les mêmes chances que les autres. Parce que l’équité, ce n’est pas l’égalité et que certains ont besoin d’un petit coup de pouce pour prendre un bon départ.

    J’espère que les choses vont enfin changer, c’est notre responsabilité collective.

  4. Je suis très émue de ce beau témoignage, un hymne à l’amour maternel et à la vie!
    Merci Sara.

  5. Chere Sara, je te fais un enorme calin virtuel, j’espere pour toi, et pour tous les parents qui sont dans ton cas, que les choses vont s’améliorer !
    Prend bien soin de toi

  6. Quel courage, bravo à toi. Il faut que les choses changent, il faut que les cases explosent, que l’humain soit replacé au centre.. Je garde espoir même si parfois c’est dur d’y croire.

  7. Te lire m’aide à me sentir moins seule ☺ si tu trouves cet endroit où le bonheur, l’épanouissement personnel et la bienveillance est la norme, nous venons vous rejoindre. Courage, on va y arriver !!!!

  8. Bonjour,
    Je comprends, nous nageons aussi dans ce monde.
    Toujours toujours toujours aller de l’avant.
    Ne jamais rien lâcher. C’est ma devise. C’est un combat.
    et ces cases bon sang qu’elles sont difficiles !

  9. Parcours difficile mais qui a l’arrivée à 100 fois de mérite que beaucoup d’autres qui ne sont jamais frappés par leur destin.

  10. j’ai les larmes aux yeux en lisant ce témoignage… je te souhaite du courage et pense à toutes les choses positives qui arrivent car je suis sure qu’il y en a ! bises

  11. Chère Sara,
    Je suis tellement touchée par ton témoignage. La dureté du métier de maman, la solitude, la culpabilité, le combat permanent pour nos enfants, leur bien-être, leur avenir, tout cela qui doit être décuplé par 1000 et 1000 encore quand il y a handicap. C’est le drame de nos sociétés, si « développées » mais si peu solidaires, drame vécu silencieusement par tant de mères, par tant de familles, sans que la plupart d’entre nous n’en aient la moindre idée. On ne peut qu’en effleurer l’horreur quand les journaux nous parlent d’une maman qui par amour ou par désespoir, par solitude ou par épuisement, a sauté le pas, de quitter ce monde, avec ses enfants. Courage à toi. Vis de tout cœur l’amour de tes enfants, de ta famille. Vis pour toi aussi, parfois. Je vous souhaite à tous les 5, et à tout ceux et celles qui visent ce que vous vivez, beaucoup d’amour, beaucoup de joie, de bonheur, de légèreté aussi, chaque fois et autant que vous le pouvez.

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